Chapitre 5
Réactions composées...
Réactions séries...

 

 

 

5.1 Les réactions séries.

Les réactions séries (dites aussi réactions consécutives) sont constituées de deux réactions dont la seconde a pour réactif le produit de la première. On peut les schématiser par :

que l'on écrit souvent

Il peut se faire que le produit C se transforme à son tour pour donner un quatrième produit D, etc, formant ainsi une suite de réactions séries. C'est par exemple le cas des suites de décompositions radioactives qui ne se terminent que lorsqu'elles conduisent à un isotope stable.

Dans ce qui suit nous nous limiterons au cas de deux réactions séries du premier ordre.

 

5.1.1 Réactions séries du premier ordre.

5.1.1.a Approche qualitative.

Avant d'aborder dans le détail l'étude analytique de la loi de vitesse, il est utile de se familiariser avec le comportement qualitatif du système cinétique.

Soient k1 et k2 les coefficients de vitesse des deux réactions.
CA0 la concentration initiale en A, les concentrations initiales en B et C étant nulles.

Les réactions étant toutes deux du premier ordre, leurs vitesses s'expriment simplement par :

v1 = k1.CA    et    v2 = k2.CB

En ce qui concerne le réactif A, il est consommé uniquement par la première réaction.
D'où -dCA/dt = v1 = k1.CA .
Sa vitesse de transformation n'est pas influencée par la deuxième réaction.
La décroissance de A suit donc une loi du premier ordre tout à fait classique.
La vitesse v1 de la première réaction diminue donc de manière monotone au cours du temps.

En ce qui concerne le réactif B, il est formé par la première réaction et consommé par la seconde.
D'où dCB/dt = v1 - v2 = k1.CA - k2.CB
La vitesse v2 de la deuxième réaction est nulle au temps t = 0 puisque la concentration initiale en B est nulle.
Au début de la réaction, cette vitesse augmente au fur et à mesure que la concentration de B augmente.

On a donc v1 qui diminue tandis que v2 augmente, la vitesse de formation de B, dCB/dt diminue donc jusqu'à ce que v1 = v2.
C'est à dire dCB/dt = v1 - v2 = 0
La concentration de B passe donc par un maximum après lequel la vitesse dCB/dt devient négative.
Il s'en suit également que la vitesse v2 de la deuxième réaction, qui était croissante avant se point, diminue en même temps que CB après son maximum.

En ce qui concerne le réactif C, il est formé seulement par la deuxième réaction.
Sa vitesse de formation la deuxième réaction s'écrit donc dCC/dt = v2 = k2.CB
Cette vitesse est nulle au temps t = 0, puisque CB0 = 0.
Puis elle augmente avec l'augmentation de CB.
Il est à noter que lorsque CB passe par son maximum (donc dCB/dt = 0), la courbe CC = f(t) présentera un point d'inflexion, puique dCC/dt = v2 change de signe en ce point.

 

Voyons qualitativement l'influence des valeurs des coefficients de vitesse k1 et k2 sur l'allure des courbes.

Simulateur

 

 

5.1.1.b Etude analytique de la loi de vitesse..

Soient v1 et v2 les vitesses et k1 et k2 les coefficients de vitesses de la première et de la deuxième réaction.
Au temps t = 0, la concentration initiale de A est CA0 ; les concentrations initiales de B et de C étant nulle.
Posons x la concentration de A transformée à l'instant t et y la concentration de C formée au même instant.
Les concentrations courantes à cet instant t sont respectivement : CA = CA0 - x ; CB = x - y ; CC = y
On remarque que la stœchiométrie des réactions conduit à : CA + CB + CC = CA0
Les vitesses des réactions directe et inverse considérées isolément s'écrivent :

v1 = k1.CA        v2 = k2.CB

Les vitesses de transformation des trois constituants du système sont :

dCA / dt = - v1 = - k1.CA
dCB / dt = v1 - v2 = k1.CA - k2.CB
dCC / dt = v2 = k2.CB

En introduisant les variables x et y introduites ci-dessus, on obtient les lois de vitesses sous leur forme différentielle :

v1 = dx / dt = k1.CA = k1.(CA0 - x)
v2 = dy / dt = k2.CB = k2.( x - y )

On peut intéger indifféremment le premier ou le second système d'équations.

La première équation est celle d'une loi du premier ordre :

dCA / dt = - v1 = - k1.CA       où      v1 = dx / dt = k1.(CA0 - x)

et conduit à l'expression de CA en fonction du temps :

En portant cette expression dans la seconde équation, on obtient une équation qui ne comporte plus qu'une variable inconnue (CB ou y) dont l'intégration donne l'expression de CB en fonction du temps :

Enfin, en portant ces expressions dans la relation CA + CB + CC = CA0 , on tire l'expression de la concentration du dernier constituant CC en fonction du temps :

Nota les expressions de CB et CC en fonction du temps, ne sont valable que pour k1 différent de k2.

Pour des détails sur l'intégration de la loi de vitesse, cliquez ici.

Dans le cas particulier où k1 = k2 on obtient des expressions différentes. Mais les conclusions qualitatives développées ici restent valable.
Pour voir les lois de vitesse dans le cas particulier où k1 = k2 , cliquez ici.
Pour voir uniquement les formules spécifiques dans le cas particulier où k1 = k2 , cliquez ici.

Remarques :

L'expression de CA = f(t) est simplement une loi du premier ordre. La transformation de A selon la première réaction n'est pas influencée par la transformation ultérieure de B.
Les expressions de CB et CC sont un peu plus complexes. S'il n'est pas nécessaire de les connaître par cœur, il est indispensable de savoir les retrouver dans un formulaire et les utiliser.
Cependant, on peut facilement tirer un certain nombre de conclusions de la forme des lois de vitesses sous leurs diverses formes.


A tout instant, la somme des concentrations est égale à la concentration initiale de A :
CA + CB + CC = CA0 .   De même : dCA/dt + CB/dt + CC/dt = 0



Les courbes CA et CC sont respectivement toujours décroissante et croissante, car A est consommé et C formé. CA passe de la valeur CA0 à 0, tandis que C passe de 0 à CA0.






















La courbe CB est nulle au temps t = 0 et à la fin de la réaction, elle passe par un maximum au bout d'un temps noté tmax. A cet instant dCB / dt = 0 or, la vitesse de formation de C s'écrit : dCC / dt = k2.CB ; en différenciant cette équation, il vient : d2CC / dt2 = k2.dCB / dt = 0.
Le maximum de CB correspond donc à un point d'inflexion de la courbe CC.

L'instant tmax correspondant au maximum de CB est relié aux coefficients de vitesse par la relation :

  avec k1 différent de k2.

A cet instant, les vitesses des réactions 1 et 2 sont égales. v1 = v2
Donc k1.CAmax = k2.CBmax ; en appelant CAmax la concentration de A au temps tmax.

D'où   .

Pour obtenir des détails sur l'établissement de ces relations, cliquez ici.

Nota :

Les expressions ci-dessus sont valables pour k1 différent de k2 .
Dans le cas particulier où k1 = k2 , on trouve :     et    CBmax = CAmax.
Pour obtenir des détails sur l'établissement de ces relations dans le cas particulier où k1 = k2 , cliquez ici.

 

5.1.1.c Traitement des données expérimentales.

Le coefficient de vitesse k1 est facile à déterminer car la décroissance de A suit une loi du premier ordre. On utilisera donc les méthodes décrites dans le chapitre traitant de l' "Approche expérimentale des lois de vitesse".

Les lois de vitesses intégrées donnant les concentrations CB et CC en fonction du temps ont une forme relativement complexe, difficile à exploiter pour déterminer le coefficient de vitesse k2. Cependant, en exploitant le point singulier pour lequel CB passe par son maximum, il est facile de déterminer le rapport k1 / k2.

Au contraire, les lois de vitesse sous leur forme différentielles sont simples et permettent une exploitation immédiate.

Vous pouvez voir deux exemples :

Vous pouvez voir des exemples... 

 

5.1.1.d Cas particuliers limites.

   Lorsque le rapport k1 / k2 est beaucoup plus grand que 1, la première réaction peut être considérée comme complètement terminée, alors que l'effet de la seconde ne s'est pas encore fait sentir.

On peut donc considérer que la réaction s'effectue en deux étapes successives nettement distinctes et étudier chacune d'elle séparément.

  Lorsque le rapport k1/ k2 est beaucoup plus petit que 1, la seconde réaction est plus rapide que la première. L'intermédiaire B peut ne peut pas s'accumuler. Sa concentration passe par son maximum pour des temps faibles (inférieurs au temps de demie-vie de A).
La formation de C est limitée par concentration de B qui reste faible.
Lorsque A a pratiquement disparu, C déjà est proche d'atteindre sa valeur limite.


On peut alors, sous certaines conditions, considérer qu'après une phase d'induction, la concentration de l'intermédiaire B reste quasiment constante. Le traitement des résultats expérimentaux s'en trouve alors grandement simplifié.

  Lorsque le rapport k/ k2 est égal à 1, les expressions générales des lois de vitesses intégrées concernant CB et CC ne sont plus applicables (car elles font intervenir à leur dénominateur la différence k1 - k2). L'expression de CA = f(t) reste évidemment applicable puisqu'elle ne fait intervenir que k1 de même que le rapport CAmax / CBmax = k/ k2 qui vaut alors 1. Il faut utiliser des formules spécifiques.
Pour voir les formules spécifiques au cas particulier où k= k2, cliquez ici.

 

 

5.1.1.e Exemples.

L'exemple le plus simple nous est donné par les désintégrations radioactives au cours desquelles, un radioélément E1 se désintègre pour donner un autre radioélément E2, lequel se désintègre à son tour, constituant ainsi une famille radioactive :

Exemple d'une partie de la famille radioactive issue de l'uranium 238 :

Il est à noter que les coefficients de vitesses, appelés dans ce cas constantes de désintégration; peuvent avoir des valeurs qui varient de plusieurs ordres de grandeurs. Par exemple la période (ou temps de demie vie) de l'uranium 238 est de 4,5.109 ans, tandis celle de l'iode 131 est de 8 jours et du polonium 214 de 1,6.10-4 secondes. Rappelons que les coefficients de vitesse sont reliés aux périodes t1/2 par la relation :

D'où les valeurs des coefficients de vitesse pour ces nucleides :

238 U k = 4,9.10-18 s-1
131 I k = 1,0.10-6 s-1
214 Po k = 4,3.10+3 s-1

Il y a donc un rapport de 1021 entre la valeur du coefficient de vitesse de 238 U et celle de 214 Po .

 

Autre exemple :

Les composés polyfonctionnels peuvent aussi subir des transformations successives affectant chacune de leurs fonctions.
Ainsi, l'hydrolyse d'un diester symétrique, se fait en deux étapes: hydrolyse de la première fonction ester suivie de l'hydrolyse de la seconde.
En toute rigueur, nous sommes ici en présence d'une réaction complexe puisqu'elle est constituée de deux réactions mais qu'il y a un réactif commun (H2O ou HO- si on est en mlieu basique) qui intervient dans les deux étapes.

La réaction est bien série par rapport au monoester (qui est le produit de la première réaction et le réactif de la seconde), elle est aussi parallèle par rapport à l'eau (qui est un réactifs pour les deux réactions). Cependant, si la quantité d'eau (ou d'ion hydroxyle si on est en milieu basique) est en quantité largement supérieure à celle du diester on peut considèrer que les réactions sont dégénérée. Dans ces conditions les deux réactions obeissent à une loi d'ordre 1 apparent .

Pour un rappel sur la dégénerescence d'ordre (Concepts fondamentaux - Dégénérescence de l'ordre d'une réaction), cliquez ici.

 

5.1.2 Réactions séries d'ordre différents de 1.

Les cas les plus typiques correspondent à des réactions d'ordre 1 et 2.

   Réaction d'ordre 1 suivie d'une réaction d'ordre 2
A
B
ordre 1
2B
C
ordre 2
ou
A
B
ordre 1
B + C
D
ordre 2
     
   Réaction d'ordre 2 suivie d'une réaction d'ordre 1
2A
B
ordre 2
B
C
ordre 1
ou
A + B
C
ordre 2
C
D
ordre 1
   Réaction d'ordre 2 suivie d'une réaction d'ordre 2
2A
B
ordre 2
2B
C
ordre 2
ou
A + B
C
ordre 2
C + D
E
ordre 2

Les équations de vitesses sont difficiles à intégrer.
Lorsque c'est possible, les équations obtenues ont une forme complexe difficile à exploiter.

Seule la première étape, qui n'est pas influencée par la seconde, peut être suivie sans problème et conduire à la détermination du coefficient de vitesse correspondant.

La détermination du coefficient de vitesse de la deuxième étape ne peut se faire assez simplement que dans des cas particuliers.
Etude séparée de la seconde étape, ce qui suppose que l'on puisse isoler le réactif intermédiaire.
Dégénérescence de l'ordre, ce qui conduit à un système de deux réactions séries du pseudo premier ordre.

 

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