Lorsqu'on cherche à résoudre une équation différentielle de la forme y' = f(x, y), mais qui n'est pas d'un des types dont on a appris à calculer les solutions, on peut essayer de se ramener à une équation connue en effectuant un changement de fonction inconnue (le mot "changement de variable" est un peu trompeur).
On pose y(x) = h(z(x)), (soit y = h ° z) , où h est une fonction dérivable ; la dérivation des fonctions composées donne y'(x) = h'(z(x)) z'(x) (soit y' = (h'° z) z').
En remplaçant dans l'équation initiale, on trouve une équation contenant x, z et z' :
z'h'(z) = f(x, h(z))
c'est-à-dire une équation différentielle en la fonction inconnue z(x). Si h'(z) ne s'annule pas, on obtient l'équation
z' = f(x, h(z))/h'(z)
Si on a bien choisi la fonction h on peut parfois obtenir une équation en z qu'on sait résoudre.
Si v(x) est une solution de cette dernière équation, la fonction u(x) = h(v(x)) est solution de l'équation initiale.
Il n'y a pas de méthode générale pour trouver une telle fonction h, on ne peut que donner quelques exemples.
Exemple 1 : Cherchons à résoudre l'équation, définie pour y > 0,
y' = y ln(y) (1)
Cette équation n'est pas très agréable à résoudre en tant qu'équation autonome. Mais puisque les fonctions cherchées doivent être à valeurs positives, on peut poser y(x) = e z(x).
On a alors ln(y) = z, et y' = e z z'. On peut donc écrire e z z' = e z z, soit encore z' = z.
Les solutions de cette dernière équation sont z = A e x.
En remplaçant y par ez, on trouve que les solutions de (1) sont les fonctions u(x) = exp(A ex). On vérifie qu'elles sont bien à valeurs positives.
Exemple 2 : Revenons à l'exemple (voir introduction) d'une population de punaises d'eau vivant en une colonie en forme de disque. On suppose que le taux de croissance naturelle est égal à un réel a > 0, mais que les punaises vivant à la périphérie ont un taux de mortalité supplémentaire (dû par exemple au froid).
Si y(t) est la population à l'instant t, l'effectif de celles vivant à la périphérie est proportionnel à y(t) 1/2. Cela nous conduit à une équation différentielle du type
y' = a y - b y 1/2 (1)
La fonction y = 0 est solution (population toujours nulle) ; la fonction constante y = (b/a)2 est aussi solution.Cherchons les autres.
L'équation (1) est autonome, mais pas facile à résoudre telle quelle. Mais, puisque la fonction y(t) que nous cherchons est à valeurs positives et que c'est y1/2 qui nous ennuie, on peut essayer de poser
z = y 1/2,
d'où y(t) = z(t) 2 (avec z > 0), et donc y' = 2 zz'.
En remplaçant dans (1), on trouve 2 zz' = a z 2 - b z. On en cherche les solutions positives, qui vérifient donc
z' = (a/2)z - b/2 (2)
Celle là est facile à résoudre, car elle est linéaire.
La solution générale de l'équation homogène est v(t) = C e (a/2)t, et la fonction constante v = b/a est une solution particulière. La solution générale de (2) est donc v(t) = C e (a/2)t + b/a.u(t) = (C e (a/2)t + b/a) 2 avec C > 0,
u(t) = (C e (a/2)t + b/a) 2 si t < tC , u(t) = 0 si t ³ tC avec C < 0 .
Les fonctions constantes u(t) = 0 et u(t) = (b/a) 2.
Si l'effectif de départ est supérieur à (b/a)2, la population croîtra indéfiniment; si il est inférieur à (b/a)2, la population s'éteindra en un temps fini tC = (2/a) ln (- b/aC). Si il vaut exactement (b/a)2, la population restera constante.
Remarque : La fonction constante u = 0 est une solution de (1) ; le fait que certaines solutions s'annulent en un temps fini, et rejoignent donc la solution nulle, ne contredit pas le théorème d'unicité de Cauchy-Lipschitz, car la fonction a y - b y 1/2 n'est pas dérivable en y = 0.
La figure ci-dessous montre les solutions de (1). On voit sur ce dessin que l'équilibre y = (b/a)2, est instable.