3.2.9. Les filtres sur supports : classification, terminologie
On peut envisager plusieurs classifications des filtres industriels.
1 - Filtres à fonctionnement continu ou discontinu
Dans les appareils continus, un support de gâteau (ou une masse filtrante) se déplace lentement devant la suspension. Lorsque le gâteau formé est suffisamment épais (ou que le colmatage de la masse est assez important) on procède à l'enlèvement du gâteau (ou au décolmatage de la masse, ou même à son remplacement si ce décolmatage est impossible ou non rentable) avec, le cas échéant, des étapes intermédiaires de lavage et essorage du gâteau.
Exemple :
Les filtres à bandes (voir photo, animation flash, et clip vidéo). Ces machines se composent en principe d'une combinaison de 2 bandes filtrantes qui se déplacent sur plusieurs rouleaux. La boue est comprimée entre les bandes au fur et à mesure de leur déplacement. Dans la première zone de déshydratation, la boue est drainée par gravité sur toute la largeur de la bande inclinée. Elle passe ensuite via une zone cunéiforme à faible pression à la zone de haute pression, où le diamètre décroissant des rouleaux fait augmenter progressivement la pression sur la boue.
Dans les appareils discontinus on amène la suspension dans une capacité munie d'un support de gâteau (ou d'une masse poreuse). On arrête l'opération lorsque la capacité est remplie (ou lorsque le colmatage de la masse atteint le maximum tolérable). Il faut alors démonter le filtre, extraire le gâteau (ou décolmater, ou remplacer la masse filtrante) et remonter l'ensemble pour recommencer un nouveau cycle.
Les filtres continus sont en général plus coûteux à l'achat que les filtres discontinus, les frais de main d'oeuvre ultérieurs étant par contre bien plus réduits dans le premier cas que dans le second.
Les filtres discontinus sont parfois équipés de systèmes plus ou moins automatiques destinés à réduire ou supprimer l'intervention humaine en fin de cycle.
2 - Classement suivant la teneur de la suspension en phase dispersée
La clarification correspond à des suspensions peu chargées (quelques fractions de grammes de phase dispersée par litre de suspension). C'est le cas de la filtration des brouillards, poussières, ou de la filtration de certains liquides (alimentaires en particulier), destinés à donner du "brillant" au liquide par "polissage" de cette suspension. La clarification est en général réalisée par filtration en profondeur, en discontinu.
L'extraction correspond à des suspensions plus chargées en matières solides (de quelques grammes à quelques centaines de grammes de phase dispersée - en général solide - par litre de suspension). C'est généralement le domaine de la filtration sur support, avec filtres sous vide ou sous pression.
3 - Classement suivant la nature de la force filtrante
3.1 - Les filtres à pression naturelle
Ils fonctionnent par simple gravité, le type classique étant le filtre à sable utilisé pour la filtration des eaux (eau résiduaire d'usine devant être renvoyée en rivière, ou eau de rivière devant être transformée en eau potable).
3.2 - Les filtres à pression forcée
On applique à la suspension une pression supérieure à la pression atmosphérique, la suspension étant ainsi forcée, soit contre un support au-dessus duquel la suspension se dépose, soit contre un médium à l'intérieur duquel elle se dépose. En première approximation le premier cas correspond à l'extraction et le second à la clarification.
Dans cette catégorie des filtres à pression forcée, on rencontre :
Les filtres presses (figure 9)
Ils sont constitués par des empilements de plateaux et cadres séparés par des toiles support et pressés les uns contre les autres pour assurer l'étanchéité. Il est possible lorsque les cadres sont entièrement remplis de gâteau, de brancher un circuit de liquide clair, sur celui de la suspension pour assurer le lavage du gâteau. C’est un appareil à fonctionnement discontinu.
Figure 9 : filtre presse
Les filtres à claies ou tambours disposés dans des carters sous pressions. Ils sont de même conception que les filtres à claies ou tambours sous vide décrits plus loin, mais la pression motrice est appliquée dans le carter qui enveloppe claies ou tambours.
Les filtres à poches
Ils sont formés de boîtes parallélépipédiques en treillis ou grillage recouvertes d’une toile filtrante sur laquelle se déposera le gâteau. Plusieurs de ces boîtes (poches) sont enfermées dans une cuve alimentée en suspension. Ces filtres sont parfois utilisés en clarification finale (polissage) en commençant par y déposer une précouche d’adjuvants de filtration, de type kieselguhr par exemple. Les kieselguhrs sont des carapaces de diatomées fossiles, broyées, calcinées et lavées, se présentant sous forme de poudre, extrêmement poreuses (0,7 à 0,9), peu compressibles et très perméables. Le fait de déposer une précouche de quelques millimètres d’épaisseur sur les toiles des poches permet, sans freiner outre mesure le débit, de retenir, partiellement en surface et partiellement en profondeur, des particules très fines de suspension qu’il serait difficile d’arrêter par d’autres techniques.
Les filtres à bougies ou cartouches filtrantes (simples ou à faisceaux) sont également assimilables aux filtres à poches.
Filtre précouche – bougies - poches
Ce sont tous des appareils à fonctionnement discontinu. Il est possible lorsque le sédiment atteint une certaine épaisseur de débâtir le gâteau sans démonter le filtre. On peut pour cela faire une chasse de liquide propre à contre-courant qui a pour effet la retombée du gâteau sous forme de boue dans le fond de la cuve.
Filtre continu sous pression
Dans ce type de filtre l’alimentation se fait en continu dans l’un des compartiments d’une cuve cylindrique sous pression. On peut prévoir trois autres compartiments pour le lavage, le débâtissage et la formation de précouche. Les plateaux verticaux disposés radialement passent successivement d’un compartiment à l’autre.
Un appareil plus simple utilisé pour épaissir les boues ne comporte pas de compartiment. L’ensemble des plateaux tourne. La filtration s’accomplit pendant les 9/10 ième de la rotation, le 1/10 ième restant correspond au débâtissage.
D’autres dispositifs fonctionnent suivant le principe des filtres continus sous vide.
3 - Les filtres à vide
Le plus simple d'entre eux est le büchner de laboratoire monté sur fiole à vide, avec sa version industrielle à fonctionnement tout aussi discontinu.
Mais la majorité des filtres à vide sont des filtres continus où le vide est appliqué à l'intérieur d'une capacité qui se déplace lentement devant la suspension. Le gâteau formé d'épaisseur croissante au cours du déplacement de la capacité est extrait après lui avoir, le cas échéant, fait subir diverses opérations de lavage et d'essorage.
Le plus classique des filtres continus à vide est le filtre rotatif à tambour. Il est constitué par une série de petites boîtes de faible profondeur, toutes de même largeur et de longueurs égales à celle du tambour, à la périphérie duquel elles sont disposées.
Filtre rotatif à tambour
Ces boîtes, au nombre de 10 à 20 environ, constituent autant de secteurs. Ces secteurs sont en communication avec l'extérieur par des séries de fentes ou de perforations. La périphérie du tambour sera recouverte de la toile support du gâteau.
Un tube, soudé dans le fond de chaque boîte, relie celle-ci à la face avant place d'un distributeur. L'ensemble des secteurs du tambour et du distributeur tourne autour d'un axe horizontal. En face de ce distributeur, et plaqué contre lui par des ressorts qui assurent l'étanchéité, se trouve l'obturateur, pièce fixe, creusé sur une face d'alvéoles circulaires reliées à des canalisations permettant d'amener le vide ou la pression dans ces alvéoles, donc dans les secteurs correspondants du tambour. Ce dernier plonge dans une auge à niveau constant contenant la suspension.
Pendant l'immersion du tambour le vide est appliqué aux secteurs correspondants. Il y a donc aspiration de la suspension contre la toile support et formation d'un gâteau d'épaisseur croissante jusqu'à la sortie de la suspension. Cette aspiration est parfois continue pour assurer un essorage partiel du gâteau par aspiration d'air extérieur.
Un ou plusieurs lavages successifs peuvent être prévus, les eaux de lavage étant recueillies séparément ou mélangées aux eaux mères (filtrat). De l'air est ensuite soufflé sous la toile, ce qui facilitera l'enlèvement du gâteau par le racloir.
D'autres systèmes d'extraction du gâteau peuvent être envisagés (ficelles, rouleau, ...). Certains filtres rotatifs sont munis d'une toile sortante : entre l'enlèvement du gâteau et l'entrée dans l'auge des rouleaux amènent la toile en dehors du tambour devant des pulvérisateurs d'eau qui permettent de la laver pour éliminer les particules qui auraient éventuellement pu la colmater.
Les filtres à tambour, normalement utilisés pour la filtration de suspensions assez fortement chargées en matières solides, peuvent également servir pour des opérations de clarification. On commence par former sur toute la périphérie du tambour une précouche très épaisse d'adjuvant de filtration (de 5 à 10 cm). On filtre ensuite la suspension à clarifier et, pour éliminer la couche superficielle d'adjuvant colmatée par les fines particules de la suspension, on équipe le filtre d'un racleur à avance micrométrique qui enlève une fraction de millimètre du gâteau par tour de tambour. L'opération est théoriquement discontinue. Mais pratiquement, compte tenu des très faibles avances du racleur et des très faibles vitesses de rotation du tambour (de un à quelques dizaines de tours par heure), l'élimination totale de la précouche prend plusieurs jours en marche continue.
Une variante du filtre à tambour est le filtre à disques : on utilise alors des tambours de faible épaisseur c'est-à-dire des disques creux, la surface filtrante de chaque disque étant alors constituée par ses deux faces latérales et non par la périphérie. Des séries de disques sont ainsi disposées côte à côte dans une auge, séparés les uns des autres par des couteaux racleurs. Les secteurs, le distributeur, l'obturateur sont conçus suivant les mêmes principes que pour le filtre à tambour.
Filtre à disques
On peut également concevoir un filtre à vide sous la forme d'une bande sans fin qui est pratiquement une bande de caoutchouc percée de trous supportant la toile filtrante. Cette bande se déplace horizontalement en glissant sur des capacités correspondant aux secteurs du filtre à tambour ou à disques. En fin de course la bande passe sur une poulie de renvoi contre laquelle est appliqué le racloir. Dans la période de retour, il sera possible de prévoir des lavages de la toile.